CAT devant une dysplasie légère du col utérin

Céline LEGOUX, Stephanie HEIDEMANN : Février 2001

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Cas clinique

Mme R., 39 ans, mariée
Adressée par son médecin traitant pour «dysplasie légère» du col lors du dernier FCV

Antécédents

Familiaux = 0

Médicaux = 0 (pas d’allergie)

Gynéco-obstétricaux

  • 1ères règles à 18 ans
  • cycles très irréguliers avant la prise d’OP
  • problème de stérilité
  • G3P3 (voie basse/ 84, 85, 95) après stimulation de l’ovulation
  • conisation du col sous contrôle colposcopique avec laser en juin 89, pour dysplasie sévère avec foyer microinvasif
  • atcd d’infection probable à hPV (koilocytes sur biopsie cervicale en 89, mari traité pour condylomes plans du prépuce)

Chirurgicaux

Coelioscopie en 82 pour bilan de stérilité --> RAS

Mode de vie, facteurs de risque, traitements usuels

  • Tabac: +
  • OP: CILEST *

CAT

Biopsie cervicale sous colposcopie : endocervicite aigue érosive réépithélialisée avec métaplasie malpighienne et présence d’atypies cellulaires
TTT au laser
TTT antibiotique anti-inflammatoire : MINOCYNE 2 cp/ jour pdt 8 jours; COLPOSEPTINE 1 cp gynéco le soir pdt 8 jours.

Épidémiologie

Début au 19e siècle
Néoplasies cervicales intraépithéliales (NCI ou CIN) = lésions préinvasives = dysplasies --> précurseurs directs des cancers invasifs
Fréquence des CIN ++ : en constante augmentation

Notion de groupes à risques

Notion de "facteur masculin" : âge précoce au premier rapport, nombre élevé de partenaires, infections génitales fréquentes
Autres : forte consommation de tabac, grossesses multiples, facteurs génétiques, immunodépression
--> favorisent l’action de hPV (secondairement HSV 2) = facteur ++ de l' oncogenèse cervicale
NB: les OP ne peuvent être considérés comme FDR pour les cancers malpighiens du col

Un problème de santé publique

Recrudescence des carcinomes invasifs chez les femmes jeunes (20-34ans)
Le développement des méthodes de dépistage (examen cytologique) et d' exploration (colposcopie et biopsie) peut permettre un ttt précoce
ttt des dysplasies = prévention du cancer du col
Place ++ des médecins généralistes

Les CIN

Définition histologique

Naissance à la zone de jonction cylindrosquameuse

Les lésions préinvasives du col = ensemble des anomalies cellulaires, de la différenciation et de la maturation de l' épithélium pavimenteux qui sont strictement intraépithéliales :

  • Désorganisation architecturale
  • Prolifération des cellules plus ou moins différenciées avec les caractéristiques cytologiques de malignité
  • Sans rupture de la membrane basale
  • Association , à différents degrés, aux stigmates d' inflammation à PVH = koilocytes (groupes 1 et 2)

Classification

Lésions à progression LENTE, précédant la lésion directement infiltrante à mode d‘évolution RAPIDE (cancer)

Histologie
Dysplasie
Légère
Modérée
Sévère
Carcinome in situ
CIN
grade I
grade II
Grade 3
Richart
Néoplasie intra-épithéliales
Cytologie
Bethesda
Bas grade
Haut grade

hPV : virus à ADN

Infection à hPV du col : asymptomatique, détectée par FCV dans 3% de la population active
La 1ère cellule infectée: cellule basale de l'épithélium malpighien + cellule de réserve de l'épithélium glandulaire, avec une prédilection pour la zone de jonction
Cellule infectée = koilocyte : noyau rétracté, vacuolisation cytoplasmique
Certains types de hPV seraient plus virulents : HPV 18

Diagnostic: trépied frottis, colposcopie, biopsie

Le frottis CV

Modalités
Chez qui : femmes en activité sexuelle depuis 2 ans
Tous les ans, puis tous les 2-3 ans après 2 FCV normaux, sauf changement de partenaire ou examen clinique anormal
Vigilance et fréquence ++ chez les femmes fumant et/ou ayant des POM
Réalisé avant le TV, en dehors des menstruations et d‘un contexte infectieux local

Résultats : Cytologie
Signicatif si comporte soit les cellules de la zone de jonction (atteinte en priorité), soit des cellules endocervicales
5 conditions de fiabilité du FCV

  • Prélèvement sur la zone de jonction exo-endocervicale (bonne visualisation du col à l’ aide du speculum)
  • Étalement correct, sur lame, du mucus recueilli par la spatule de AYRE + scrinett
  • Bonne fixation (spray, alcool ether)
  • Bonne coloration
  • Interprétation attentive de l’anapath.

La colposcopie

Modalités
A la loupe binoculaire
: muqueuse cervicale et stroma sous-jacent puis test à l’acide acétique et au lugol
Acide acétique à 3% : précipite les protéines cytoplasmiques dont les cellules dysplasiques sont riches : les zones dysplasiques apparaissent blanches ("zones acidophiles")
Lugol : teinte en brun le glycogène dont les cellules dysplasiques sont pauvres: les zones dysplasiques sont non-colorées par le lugol ("zones lugol négatives")

Intérêt :
Localiser la zone de jonction/ zone de transformation/ l’étendue des lésions vers l’endo et l’exocol
Faire des biopsies dirigées
Détecter des lésions vaginales, vulvaires (fréquence de la multifocalité des lésions virales)
Préciser si la lésion est entièrement exo-cervicale (visibilité de la zone de jonction?)

La biopsie

Histologie. Sous colposcopie. S’impose devant toute suspicion cytologique ou colposcopique de lésions virales ou de CIN.

Évolution d' une dysplasie

Quel que soit son stade, une lésion dysplasique peut évoluer de 3 facons :

  • Régression et guérison spontanée
  • Persistance sous forme d‘une anomalie stable
  • Dysplasie plus sévère, CIS, cancer µinvasif ou invasif

Il n’y a aucun critère cytologique, colposcopique ou histologique pour évaluer le potentiel évolutif d’une lésion.

Cependant le risque de progression vers un cancer invasif est fonction du grade : CIN 1: 30% ; CIN 2: 40%.

Conduite à tenir

Le choix du ttt va dépendre:

  • du type de dysplasie
  • de l’étendue des lésions, de la possibilité ou non de visualiser en colposcopie son étendue vers le canal endocervical
  • de l’âge de la patiente
  • du désir de grossesse
  • des possibilités de surveillance par la suite

But : empêcher l’évolution vers une forme plus grave et la contamination virale ++

Dysplasie du col : stratégie de prise en charge

Lésions de bas grade

ttt conservateur pour éviter la contagion et les "perdus de vue".
Dans tous les cas: examen du/des partenaires : essentiel pour éviter les échecs thérapeutiques (lésions virales chez 40-60% des partenaires de femmes porteuses de lésions virales ou de dysplasies cervicales)

Destruction locale: le ttt conservateur
Le plus utilisé, par vaporisation laser CO2, cryocoagulation ou électrocoagulation
Vapo laser CO2 = méthode de choix : précision (sous colposcopie), qualité de la cicatrisation, sans sclérose secondaire, maniabilité, en ambulatoire, sans AG ni AL, ni prémédication, sur une profondeur de 5-7 mm selon les lésions, en débordant de 2 à 3 mm les limites externes de la lésion.

La conisation : ttt radical
A la lame de bistouri ou bistouri électrique ou au laser CO2 (pas de sténose postop) sous AL, après repère colposcopique
Hauteur adaptée à la taille de la lésion
Hôpital de jour
Examen de la pièce opératoire : en coupes sériées, pour éliminer un cancer µinvasif

Surveillance post-thérapeutique

Lésions souvent plurifocales (le virus peut être retrouvé en tissu sain en périphérie --> source de récidive)
Un contrôle cytologique et colposcopique à 3 mois après ttt, puis tous les 6 mois pdt 2 ans, puis 1 x /an, pendant 10 ans
Biopsie, au moindre doute colposcopique

Conclusions

Orientation d’un diagnostic par les frottis de dépistage, confirmation par l' examen de biopsies et pièces de conisation --> cet ensemble de moyens cliniques et anatomopathologiques doit permettre 100% de guérison des lésions non invasives.

3 atouts de la régression du cancer du col :

  • Régularité de la pratique des FCV sur les femmes en période d’activité sexuelle
  • Significativité du frottis
  • Bonne interprétation par l’anapath

Frottis et colposcopie s’imposent :

  • devant la découverte de condylomes vulvaires ou périnéaux
  • si le partenaire est porteur de telles lésions

Testez-vous

Femme de 22 ans, sous oestroprogestatifs
Vous êtes son médecin traitant et la recevez pour un examen gynéco de routine
Spéculum: lugol négatif; le test à l’acide acétique montre une zone périphérique du col légèrement acidophile
FCV: métaplasie malpighienne évoquant une zone de remaniement

Que faites-vous ?